(article rédigé dans le cadre du projet collectif "Data for Tunisie" de SciencesPo en 2017)
Le décrochage scolaire est défini comme « un processus multifactoriel complexe qui conduit un jeune en formation initiale à se détacher du système de formation jusqu'à le quitter avant d'avoir obtenu un diplôme ». Ce phénomène constitue un enjeu important et majeur, car il déséquilibre la cohésion et l’équité sociales. Ses causes et ses facteurs sont multiples, tout comme les profils qui y sont confrontés ; cependant, certaines conditions le favorisent.
En Tunisie, l’absence de statistiques officielles rend la reconnaissance du décrochage scolaire et la création de politiques publiques pour lutter contre ce phénomène assez difficiles. Nous avons néanmoins choisi de nous appuyer sur les chiffres fournis par le site de l’Institut National Statistique de Tunis (INS) ainsi que par le site de la Banque Mondiale. Nous avons également travaillé avec des analyses menées par des commissions ayant travaillé sur le décrochage scolaire en Tunisie, telles que la commission ayant mené l’étude de terrain intitulée «L’abandon scolaire, les facteurs et les obstacles» réalisée dans ces deux zones cibles en collaboration avec la Délégation de l’Union européenne en Tunisie.
Les données dont nous disposons soulèvent plusieurs observations :
- Le nombre d’élèves de premier cycle a globalement diminué dans tous les gouvernorats à partir des années 2000, avec un regain d’augmentation relative à partir de 2010
- Parallèlement et dans des proportions variables, le nombre d’élèves par classe a diminué. A Tunis, une diminution constante s’observe au fil des années, on passe de 60 élèves par classe en 1990 à 40 par classe en 2014. Ce constat est à nuancer notamment dans le Sud et l’Ouest du pays où le nombre d’élèves par classe reste très élevé (plus de cinquante élèves par classe)
- Le nombre d’élèves du second cycle est plutôt stable dans tous les gouvernorats, ce qui est est assez surprenant étant entendu que le nombre d’élèves du premier cycle a baissé
- Après avoir été plutôt élevé entre 2000 et 2010, l’investissement dans l’éducation a franchement diminué depuis 2011, revenant à des budgets plus proches des années 1990
- Nous avons également observé le nombre de diplômés par branche chaque année, les pourcentages sont très variables d’une année sur l’autre, phénomène auquel il est difficile de trouver une explication
- Les deux derniers graphiques nous ont permis d’observer le décrochage scolaire en utilisant à la fois les données du nombre d’élèves du premier cycle et du second cycle ; ces graphiques nous permettent de constater que le décrochage constitue un phénomène massif et qui va en s’intensifiant, quelle que soit la région
Nous pouvons également souligner d’autres observations formulées par des organismes ayant travaillé sur le décrochage scolaire, notamment sur les écarts entre filles et garçons. Plusieurs faits ont été relevés : d’abord, le fait que le taux d’abandon scolaire des filles est moins élevé que chez les garçons. Ce constat est valable pour tous les cycles (primaire, collège et secondaire). L’étude a en outre montré que les filles vivant en milieu rural rencontrent des difficultés particulières, d’ordre familial et social, qui les poussent au décrochage scolaire. La famille prétend notamment “préserver l’honneur” de sa fille en l’empêchant de faire le trajet jusqu’à l’école et de côtoyer des garçons, ou évoquent encore des motifs de sécurité liés aux dangers de la route et de l’éloignement. Est également remis en question l’enseignement lui-même, l’encadrement des élèves, les programmes trop chargés, l’absence d’activité de loisirs, mais aussi les infrastructures et le manque de transport.